Prévenir les maladies selon les Trois Trésors

April 12, 2024
Philippe Sionneau
Prévenir les maladies selon les Trois Trésors

Notez que cet article fut publié initialement dans la revue “Santé Corps Esprit” n°17. Il est destiné à un public néophyte qui n’a pas forcément la maîtrise des théories fondamentales.

Pour la médecine chinoise, le corps et l’esprit sont intimement liés. Les troubles énergétiques sur le mental, l’esprit, les émotions se répercutent sur le physique, et vice versa. C’est pourquoi la sagesse chinoise ancestrale veille à maintenir l’équilibre avec les sān bǎo, les « Trois Trésors ». Plus un corps est équilibré, robuste et fonctionne de manière optimale, plus il favorise une conscience claire, un mental puissant, des émotions apaisées. À l’inverse, un organisme maladif ou déséquilibré provoque des troubles psychologiques, une baisse des performances intellectuelles, une apathie mentale. Essayez de méditer quand vous avez de la fièvre ou lorsque vous êtes grippé ! L’homme est donc le résultat de l’unité entre ses structures physiques et psychiques, et nous pouvons dire que pour être en bonne santé, il faut s’occuper tant du corps que de l’esprit. Agir par exemple avec une diététique adaptée, un automassage, un exercice de Qi Gong, un vin médicinal, une pratique de moxibustion, un gruau médicinal sur un organe ou sur ses relations subtiles (organes des sens associés, tissus associés, zones corporelles associées, canaux…) revient à agir sur l’aspect du psychisme qui est en relation avec cet organe (et inversement).

Préserver ses trois trésors

Selon la tradition chinoise, un individu ne peut donc se manifester qu’à la faveur de la rencontre de trois facteurs vitaux essentiels. On les appelle les Trois Trésors (sān bǎo 三宝) qui sont une trame de vie (l’Essence Vitale (jīng 精), un dynamisme (qì 气), un Esprit configurateur et individuel (le shén 神).

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Le jīng (精) : l’Essence Vitale

La notion de jīng est probablement l’une des plus complexes et des plus subtiles de la pensée chinoise. Il appartient à l’invisible, à l’imperceptible et il est impossible, voire prétentieux, d’essayer de le définir en quelques lignes. Nous nous contenterons de souligner les aspects les plus concrets. Le jīng est la trame de vie, la réserve des formes et des énergies, la matrice d’où provient toute manifestation de vie. C’est un champ de possibilités à travers lesquelles la vie peut s’exprimer et se développer. Le jīng est le support des qualités et des caractéristiques intimes de toute chose et de tout être vivant. C’est ce qui fait qu’un arbre donne toujours les mêmes fruits. C’est ce qui fait aussi qu’un être vivant appartient à son espèce : un chat peut vivre avec une certaine donnée de taille, de forme, de physiologie, d’odeur, de capacité à chasser… Aucun chat ne ressemble à un autre et pourtant tous les chats ont les mêmes caractéristiques de fond. C’est l’Essence Vitale qui donne ces particularités générales. L’homme répond aux mêmes caractéristiques.

Caractéristiques clés
  • L’Essence Vitale est la toile de fond sous-jacente de toute fonction, tout mouvement, toute structure, toute architecture vivante, mais aussi le support de toute manifestation spirituelle et mentale dans l’être humain.
  • Il y a une interaction étroite entre l’Essence Vitale et le Qì-Energie. Selon les besoins de l’individu, le jīng peut se transformer en qì et la surabondance de qì peut se condenser en jīng. C’est à travers le qì que le jīng permet le développement des caractères distincts et spécifiques d’un individu.
  • Il y a une interaction étroite entre l’Essence Vitale et la Conscience Organisatrice (shén 神). Le jīng est le support indispensable de la manifestation du shén (神). La Conscience Organisatrice se manifeste dans un corps à la faveur de la rencontre des Essences Vitales des deux parents à la conception. Le shén (神) organise, ordonne le jīng pour générer un être vivant et le jīng nourrit le shén pour qu’il se manifeste.
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Le Qì (气) : l’Énergie

Ce concept est tout aussi insaisissable que le précédent, d’autant que l’une des caractéristiques du qì est le mouvement, l’instabilité, l’impermanence ! Aucune traduction : énergie, souffle, force vitale, fonction… n’est apte à rendre compte de cette réalité. Par convention, nous garderons l’une des plus courantes : énergie, bien qu’elle ne nous satisfasse point. Pour rester simple, nous dirons que le qì (气) dans l’individu correspond à l’ensemble des dynamismes qui permettent le développement et le maintien de la vie. Sur le plan physiologique, le qì représente, par exemple, la régulation thermique, les fonctions des différents organes, les défenses immunitaires, le maintien de l’homéostasie, les métabolismes, etc. Nous avons déjà évoqué le rapport existant entre qì et l’Essence Vitale. Voyons celui entre qì et la Conscience Organisatrice (shén神). Le qì est l’outil de la Conscience Organisatrice pour que l’individu se manifeste tant sur le plan psychique, physique, qu’énergétique. C’est le shén (神) qui orchestre les mouvements du qì, afin que l’être se réalise dans son corps et son esprit.

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Shén (神) : la Conscience Organisatrice individuelle

La tradition chinoise propose une représentation originale de l’esprit à travers la notion de « shén 神 ». Nous n’évoquerons que quelques aspects fondamentaux car le concept est complexe. Nous traduirons shén (神) par « Conscience Organisatrice », ce qui est une traduction imparfaite mais plus juste que « esprit ». Le shén (神) organise l’ensemble des manifestations du qì mises à sa disposition pour atteindre ses objec[1]tifs et pour contrôler la vie qui anime chaque individu. Et c’est à travers le qì que la Conscience Organisatrice s’exprime et se déploie pour faire appliquer le projet spirituel de l’être. La Conscience Organisatrice va favoriser la rencontre des deux futurs parents et en particulier celle de leur jīng respectif. Lorsque les jīng du père (dont le support est le sperme) et de la mère (dont le support est le sang génésique) s’unissent, la Conscience Organisatrice du futur bébé se fixe sur cette trame de vie qui lui accorde un potentiel de vitalité, de dynamisme, de mouvements, de formes, de structures, de rythmes, etc. Mais comme le shén (神), pour s’exprimer, nécessite un ancrage per[1]manent dans une structure vivante, le jīng doit constamment être préservé, valorisé, entretenu.

Caractéristiques clés
  • Shén (神) est une conscience vivifiante qui représente l’envie de vivre dans l’individu. C’est elle qui donne l’impulsion de la vie.
  • Shén (神) est aussi une conscience modificatrice qui autorise les transformations subtiles, le développement spirituel de l’individu qui représente l’objectif le plus élevé du projet de vie d’un individu lorsque les circonstances le permettent. Dans tous les cas, le shén (神) représente la partie la plus subtile, la plus spirituelle de l’être. C’est, par exemple, la partie qui favorise l’intuition et l’acquisition de connaissances (sans l’utilisation du mental).
  • Shén (神) est le principe organisateur qui orchestre l’inné (caractères des parents, des ancêtres, de l’espèce) et l’acquis (air, eau, aliments…) pour favoriser notre développement spirituel sur cette terre.
  • Shén (神), c’est l’ensemble des facultés physiques, sensorielles, psychiques, spirituelles, qui nous permettent d’être conscients que nous sommes une personne à part entière distincte des autres. C’est la conscience de soi, de ses frontières et du reste du monde.
  • Shén (神) représente aussi la capacité à penser des concepts abstraits. C’est l’intellect dans toute son étendue. C’est aussi l’organisateur absolu de l’outil sensoriel, de l’information, du langage, de l’échange, de la communication.
  • Shén (神) représente finalement le fonctionnement émotionnel et la vie affective. C’est ce qui rend possible le ressenti d’une émotion et la prise de conscience de ce sentiment. Shén (神) est donc le chef d’orchestre des sept sentiments de base : colère, joie, tristesse, soucis, inquiétude, peur, frayeur, sentiments indispensables de notre vie psychique.
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Interaction des Trois Trésors

En résumé, nous dirons que les Trois Trésors – jīng, qì, shén – sont inséparables et indispensables pour l’expression de la vie, en sachant que chacun d’eux joue un rôle spécifique et capital que nous récapitulerons ainsi :

  • Le jīng conditionne la vie : c’est l’Essence Vitale
  • Le qì met en mouvement la vie : c’est la Force Vitale
  • Le shén organise la vie : c’est la Conscience Vitale
  • L’association de jīng, qì et shén : c’est la Vie.

C’est à partir de ces concepts d’unité-globalité entre l’homme et la nature, entre le corps physique et psychique, entre les trois trésors, que les Anciens tirèrent un certain nombre de conclusions concernant la santé, la prévention, la longévité et développèrent des méthodes pour les favoriser

Valoriser ce qu’il y a de précieux en nous

Les deux expressions les plus courantes pour désigner les méthodes de prévention et de préservation de santé en médecine chinoise sont yǎng shēng (养生) et bǎo jiàn (保健).

Yǎng (养) signifie :
– Nourrir, entretenir
– Élever, cultiver
– Enfanter, donner naissance

Shēng (生) signifie :
– Donner naissance, enfanter, faire naître
– Pousser, croître, se produire
– Vivre, exister, vie

Dans ce contexte, yǎng shēng signifie : nourrir la vie ou entretenir et croître, ou cultiver la vie.

Bǎo (保) signifie :
– Protéger, défendre
– Prendre soin de, entretenir, maintenir
– Préserver, sauvegarder

Jiàn (健) signifie :
– Bonne santé, robuste, vigoureux
– Fortifier, affermir, renforcer, tonifier.

Dans ce contexte, bǎo jiàn signifie : prendre soin de sa santé ou protéger et fortifier ou préserver la vigueur ou maintenir la santé… Ces deux expressions résument bien les objectifs clés de ces méthodes : « Protéger et nourrir la vie qui est en nous. »

Contrairement à certains systèmes hygiénistes ou médicaux qui visent à évacuer ce qu’il y a de pernicieux en nous, la tradition chinoise axe ses méthodes préventives de santé sur la protection, l’harmonisation, la nutrition, la valorisation, le renforcement de ce qui y est précieux. Pour favoriser bien-être, santé et longévité, nous devons protéger l’Essence Vitale et nourrir cette réserve de vie. Ceci passe par trois principes :

  1. L’économie du jīng
  2. La production d’une bonne qualité et quantité du Qì-Energie dont le surplus se transmute en jīng
  3. La stabilité du Shén-Conscience Organisatrice qui configure, organise, réactualise en permanence le jīng et le qì.

Harmonie, modération, bonne alimentation, respiration, activité physique et méditation sont les bonnes directions pour favoriser la santé, la prévention et la longévité. À la lumière des trois concepts d’uni[1]té-globalité, nous pouvons conclure que l’ensemble des méthodes chinoises de prévention et de préservation invitent à :

  1. S’adapter aux lois et aux rythmes de la nature
  2. Économiser et renforcer le Qì-Energie
  3. Préserver et nourrir le Jīng-Essence Vitale
  4. Apaiser le Shén-Conscience Organisatrice.

À partir de là, de nombreux outils sont mis à notre disposition pour construire notre santé à travers ces 4 principes :

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  • Automassage des canaux (méridiens) et de points d’acupuncture
  • Moxibustion de prévention
  • Diététique chinoise
  • Gruaux médicinaux (aliments et plantes chinoises)
  • Vins médicinaux (avec plantes chinoises)
  • Tisanes de santé
  • Multitude de pratiques de qìgōng 气功
  • L’art de la sexualité
  • L’art de s’adapter aux saisons
  • Méditation et pratiques psycho-émotionnelles
  • Exercices respiratoires (semblables à la cohérence cardiaque par exemple)
  • Règles de modération et d’équilibre

Cette liste n’est pas exhaustive mais constitue l’essentiel des armes et des méthodes de prévention et de longévité de la tradition chinoise.

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